LEA: la revue L'Esprit d'Archimède

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LEA #14 (juillet-décembre 2025)

Cycle : Infini

Dualité onde-particule ou unicité quantonique ?

Jean-Marc Lévy-Leblond

Professeur émérite, Université de Nice-Côte d’Azur

La « dualité onde-particule » est l’une des notions les plus fréquemment avancées dans les exposés vulgarisés ou même plus spécialisés de la physique quantique. On la trouve souvent exprimée sous la forme : « certaines entités subatomiques, comme les électrons ou les photons (les particules de lumière), peuvent se comporter à la fois comme des ondes et comme des particules » ou encore : « la dualité onde-corpuscule dit que tout a deux côtés. La mécanique quantique montre que les choses peuvent être des ondes ou des particules, selon la situation » — ces citations sont extraites d’internet qui fourmille de telles présentations. Et l’on ne sera pas surpris de voir l’idée exploitée sans vergogne — mais surtout sans fondement — dans divers domaines bien éloignés de la physique. On trouve ainsi des sites intitulés « Catharisme et théorie quantique : le dualisme dans la pensée » ou d’autres sur une prétendue « médecine quantique » se réclamant du fait que « les particules comme les électrons peuvent se comporter à la fois comme des particules ponctuelles et des ondes étendues, défiant notre intuition », ou, autre exemple, « depuis 100 ans, la physique connait une révolution qui atteint maintenant l’approche même de la biologie et de la médecine.(…) La dualité onde/corpuscule ouvre une dimension inexploitée et encore bien méconnue des phénomènes qui nous entourent ». Le paradoxe est de voir des discours philosophiques, théologiques, sociologiques, esthétiques, etc., justifier leurs conceptions dualistes en s’appuyant sur la physique quantique, alors que leurs sources sont bien plus anciennes, du néoconfucianisme (Yin/Yang) et du manichéisme (Bien/Mal) au christianisme, sans même parler de leurs avatars modernes chez Descartes par exemple (âme/corps).