Les couleurs
Cycle de conférences-débats
Nos yeux révèlent la splendeur colorée du monde mais que sont les couleurs ? Comment les percevons-nous ? Comment les expliquer ? Comment les reproduire et les utiliser ? Quelles sont et furent les méthodes utilisées ? Quelles significations leur ont donné philosophes et artistes, quel que soit le domaine ou l'époque dans lesquels ils ont créé leurs œuvres ? Quels symboles changeants y sont attachés ? Quels codes ont été développés pour leurs usages ? Comment modifier les comportements par des ambiances colorées, par des éclairages choisis ? Et que dire des « fausses couleurs », celles que produit le numérique ? Celles qui portent dans le champ du visible des phénomènes qui n'ont rien à voir avec la vue ?
Ce sont toutes ces questions, et bien d'autres, que nous voulons aborder dans ce cycle.
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26 mars 2019, LILLIAD, 18h00
Bernard Maitte, Une histoire des couleurs
Répondant: Daniel Hennequin
Nos yeux révèlent la splendeur colorée de la nature et les subtiles nuances qu'elle présente. Toutes les couleurs produites par l'industrie humaine le sont en ajoutant à un substrat pigments ou colorants ; il faut les enlever pour obtenir le blanc. S'appuyant sur ces pratiques, Aristote affirme la pureté du blanc et le caractère composite de toutes les couleurs.
Cette position reste hégémonique pendant deux millénaires. A partir de Descartes, la notion d'échelle colorimétrique prend sens (1637). Isaac Newton apporte un renversement complet de perspective : en 1666, il fait du blanc un mélange, définit sept couleurs « pures », les intègre dans une théorie corpusculaire de la lumière. Ces positions, tirées d'autres expériences et d'un mysticisme certain sont vivement combattues par ses contemporains et successeurs, dont Goethe. Elles sont partiellement admises après la victoire de conceptions ondulatoires de la lumière où Thomas Young introduit la notion de vision trichromatique (1807), Augustin Fresnel la force de l'analyse mathématique (1817) et James-Clerc Maxwell la théorie électromagnétique (1857). Pour que nos modernes conceptions émergent, il faut que Hermann von Helmholtz, empruntant à Newton, à Goethe, à Young, fonde (1870) une physico-physio-psychologie des couleurs, que Chevreul (1879) enrichit aux Gobelins : ils contribuent à préparer les reformalisations du 20ème siècle.
C'est toute cette histoire d'approches, de conflits, de succès provisoires qui sera retracée : situer ces débats dans leurs contextes permettra de montrer la permanence de certains questionnements et le perpétuel réenchantement de la recherche.
Bernard Maitte est professeur émérite à l'université de Lille
Daniel Hennequin est physicien, chercheur au CNRS, au laboratoire PhLAM (Physique des Lasers, Atomes et Molécules) de l'Université de Lille. Il est président de la commission Culture Scientifique de la Société Française de Physique et président de la section Hauts-de-France de la Société Française de Physique
02 avril 2019, amphi Pierre Glorieux, CERLA, 18h00
Joëlle Pijaudier-Cabot, Les couleurs de l'Art, de l'impressionnisme au monochrome
Répondant: Francis Danvers
La conférence traite des divers états de la couleur dans la peinture occidentale moderne et contemporaine. Intrinsèquement liée à la lumière, la couleur fait l'objet au cours du XIXème siècle de recherches scientifiques qui inspirent les artistes de la modernité naissante. Elle a partie liée avec les registres de la sensation, de l'émotion et de l'expression, mais aussi avec ceux de l'ascèse, de la méditation et de la spiritualité. Sa matérialité même fait l'objet d'explorations artistiques. La couleur s'avère ainsi être l'une des grandes questions qui traversent l'art du XXe.
Joëlle Pijaudier-Cabot est conservatrice en chef honoraire du patrimoine. Elle a dirigé le Musée d'art moderne - Lille Métropole- Villeneuve d'Ascq - LAM jusqu'en 1997, puis directrice des Musées de Strasbourg. Elle est conseillère au Conseil économique, social et environnemental - Région Grand-Est, rapporteuse de sa commission culture.
Francis Danvers est professeur émérite des universités, vice-président de l'université populaire de Lille et président de l'ALEA
07 mai 2019, LILLIAD, 18h00
Bernard Dupont, Photographie des couleurs versus Photographie en couleurs
Répondant: Rémi Franckowiak
La conférence porte sur un épisode fondamental de l'histoire de la photographie, qu'elle cherchera à interpréter à l'aide d'analyses économiques du progrès technique.
Le rapprochement de la photographie et de la couleur a eu lieu lors de l'avènement de la seconde révolution industrielle. Deux approches technologiques radicalement opposées ont vu le jour au tournant des XIXe et XXe siècles : la méthode indirecte qui cherchait à créer des images colorées à partir du jeu combiné et pondéré de deux ou trois filtres à la prise de vue et au tirage ; la méthode directe, due au physicien G. Lippmann, qui enregistre les ondes lumineuses sur une surface sensible et peut restituer objectivement les couleurs. Sur le plan épistémologique, les centaines de procédés de photographie en couleurs ayant conduit à des dépôts de brevets en Europe et aux Etats-Unis relèvent d'un empirisme expérimental brouillon aiguisé par l'appât de la notoriété, du pouvoir ou du gain alors que la photographie des couleurs se fonde sur des principes théoriques de la physique pour en extraire rationnellement une application utile à la société. La méthode interférentielle de Lippmann sera consacrée par le prix Nobel de Physique en 1908, mais cette invention géniale ne trouvera aucun relai dans le monde économique qui la juge impraticable. De fait, un auparavant, les frères Lumière commercialisent leur autochrome, matérialisation ingénieuse des rêves de la méthode trichrome appliquée à un unique support sensibilisé. Là est l'innovation technologique, qui leur permettra d'imposer au monde leur monopole sur le marché émergent de la photographie en couleurs.
Bernard Dupont est enseignant-chercheur honoraire à l'université de Lille (Sciences économiques et sociales), président de la Société Photographique des Universités de Lille.
Rémi Franckowiak est maître de conférences en histoire des sciences et épistémologie, au laboratoire S2HEP (Sciences, Société, Historicité, Éducation et Pratiques) de l'Université de Lille.
04 juin 2019, amphi Pierre Glorieux, CERLA, 18h00
Violaine Llaurens, Les couleurs mimétiques du vivant
Répondant: Sylvain Billiard
Le monde vivant est plein de couleurs, souvent utiles comme signal. Les espèces peuvent par exemple signaler leur toxicité, comme les fruits rouges de l'if, ou encore leur présence, comme les cerises rouges dans un houppier vert. Et on comprend bien pourquoi : éviter de se faire manger dans le premier cas, éviter de ne pas se faire manger, dans le deuxième. Mais les couleurs peuvent également signifier « Regardez moi, je suis comme les autres ! ». De nombreuses espèces ont en effet évolué pour ressembler à d'autres, pour différentes raisons : pour être un meilleur parasite, pour mieux coopérer face aux prédateurs, etc. Le but de cette conférence sera d'illustrer l'évolution du mimétisme de couleur dans différentes espèces animales, et de faire le bilan des connaissances actuelles à ce propos : bases moléculaires et physiologiques, pressions de sélection, et conditions écologiques. Les exemples seront nombreux : la couleurs des oeufs du coucou, des ailes des papillons mimétiques, et bien d'autres.
Violaine Llaurens est Professeur au Museum National d'Histoire Naturelle.
Sylvain Billiard est professeur à l'université de Lille, laboratoire de Génétique et Évolution des Populations Végétales
15 octobre 2019, amphi Pierre Glorieux, CERLA, 18h00
Daniel Hennequin, Les couleurs : illusion ou réalité ?
Répondant: Bernard Maitte
La physique a sa définition précise de la couleur. Elle nous dit qu'il y a des couleurs que nous ne pouvons pas voir, comme les UV ou les infrarouges. Mais à l'inverse, il y a des couleurs que nous voyons et qui n'existent pas, comme le magenta.
Notre œil est, en effet, un capteur bien rudimentaire lorsqu'il s'agit de voir les couleurs. Il est très facile de le tromper, et la plupart des technologies produisant des images ne s'en privent pas. Non sans conséquences : la reproduction des couleurs est parfois fort éloignée de la réalité, et les différences de perceptions individuelles peuvent s'en trouver amplifiées. Car nous voyons tous des couleurs différentes, pour des raisons physiologiques et culturelles.
Au cours de la conférence, des expériences de physique permettront de voir les « vraies » couleurs des objets, de comprendre ce que nous en percevons. Nous constaterons, par exemple, que si l'œil était aussi performant pour les couleurs que l'oreille l'est pour distinguer les notes, nous pourrions d'un seul coup d'œil connaître la composition chimique de ce que nous regardons. D'autres expériences montreront différentes techniques utilisées pour reproduire les couleurs, ainsi que leurs limites.
Daniel Hennequin est physicien, chercheur au CNRS, au laboratoire PhLAM (Physique des Lasers, Atomes et Molécules) de l'Université de Lille. Il est président de la commission Culture Scientifique de la Société Française de Physique et président de la section Hauts-de-France de la Société Française de Physique
Bernard Maitte est professeur émérite à l'université de Lille
26 novembre 2019, amphi Pierre Glorieux, CERLA, 18h00
Olivier Las Vergnas et Simon Lericque, Les couleurs dans les images d'astronomie
Répondant: Olivier Moreau
Nous sommes tous impressionnés par les superbes images polychromes de la voie lactée, des nébuleuses ainsi que d'autres galaxies ; nous sommes régulièrement ébahis par leurs chatoiement de nuances, leurs contrastes étonnants et leurs formes suggestives ; nous admirons la maitrise technique dont font preuve les astrophotographes amateurs ou professionnels. Avec raison, car photographier les paysages nocturnes en couleurs pose bien plus de problèmes que le fait de photographier les paysages diurnes. Contrairement à ce que l'on pourrait penser au premier abord, le principal problème n'est pas que l'on manque de lumière pour obtenir des images fidèles, mais avant tout que l'on ne sait même pas définir ce que seraient de "vraies couleurs". En effet, la nuit, l??il humain ne voit pas les couleurs de faible intensité car celles des cellules sensibles qui tapissent la rétine alors en fonction, les bâtonnets, ne détectent pas d'informations colorées. Sans oublier que nombre d?images du ciel profond correspondent à des combinaisons d?émissions de lumières quasi monochromatiques débordant souvent dans l'UV ou l'infra-rouge et dont la transposition en trichromie est pour le moins hasardeuse. Dès lors, on peut se demander si toutes les images astronomiques ne seraient pas à la fois toutes splendides mais aussi toutes en "fausses couleurs" ou, plus précisément, certaines en "vraies fausses couleurs" et les autres en "fausses vraies couleurs".
Olivier Las Vergnas est Professeur à l'université de Lille (SEFA et Cirel-Trigone) et président de l'Association Française d'Astronomie (AFA)
Simon Lericque est astrophotographe, président du Groupement d'Astronomes Amateurs Courriérois
Olivier Moreau est docteur en astrophysique, vice-président de l'association des planétariums de langue française, chargé d'enseignement à l'université de Lille, responsable scientifique et pédagogique au Forum des Sciences