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Quantitatif et qualitatif dans les sciences

Cycle de séminaires

Ce cycle de séminaires interroge la notion de quantitatif et de qualitatif dans les sciences. La réussite de la physique, le rôle qu'elle assure comme modèle de la scientificité justifient-t-ils que la quantification à laquelle elle est parvenue et qui fait sa force soit étendue à toutes les branches du savoir ? Quelles sont les utilisations possibles et les limites de la quantification ? Le qualitatif ne joue-t-il pas un rôle insigne qu’il convient de revendiquer ?

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16 janvier 2020, 1er étage du bâtiment de la Faculté des Sciences et Technologies, 17h00

Olivier Las Vergnas, Traitement des données et nouveaux regards sur quantitatif et qualitatif

Répondant: Sylvain Billiard

Le découpage entre recherches quantitatives et qualitatives reste au cœur de nombreuses formations à la recherche (en particulier en sciences humaines et sociales), même si – ces dernières décennies – les investigations se sont largement ouvertes au « pluralisme méthodologique ».
Cette ancienne dichotomie opposant des études quantitatives à base de QCM versus des études qualitatives à base d'entretiens et observations, était déjà ébranlée par le déploiement des logiciels de traitement quantitatifs des données traditionnellement vues comme qualitatives. La voilà aujourd'hui directement mise en cause par l'accélération de l'arrivée des Big Data et des approches d'intelligence artificielle dites « omiques » (comme la génomique), ainsi que celle des opportunités d'usages secondaires d'Open Data ou Analytics disponibles sur internet.
À partir d'exemples concrets d'investigations en SHS, cette séance se proposera d'illustrer ces évolutions.
Ces exemples pourront éclairer deux questions sous-jacentes. La première concerne un préjugé relativement commun : le qualitatif serait-il vraiment plus pertinent pour des explorations inductives et le quanti plutôt hypothético déductif ? La seconde est de nature épistémologique : le choix entre une approche quantitative et qualitative ne devrait-il pas se faire en se demandant si les phénomènes étudiés sont intrinsèquement continus ou discrets plutôt qu'en se demandant si telle ou telle approche sera plus convaincante pour des experts car plus conforme au type de preuves considérées comme satisfaisantes par une discipline ?

Olivier Las Vergnas est Professeur à l'université de Lille (SEFA et Cirel-Trigone) et président de l'Association Française d'Astronomie (AFA)

Sylvain Billiard est professeur à l'université de Lille, laboratoire de Génétique et Évolution des Populations Végétales

13 février 2020, 1er étage du bâtiment de la Faculté des Sciences et Technologies, 17h00

Florence Jany-Catrice, L'histoire de la mesure statistique de l'inflation : 50 ans de controverses

Répondant: Bernard Maitte

Malgré une faible inflation, sa mesure statistique (qu'on appelle « l'indice des prix à la consommation ») reste l'indice le plus consulté sur le site de l'Insee, du fait de ses usages multiples. L'indice des prix sert en effet d'indexation de salaires, de pensions, de prestations sociales, mais aussi de divers contrats, type pensions alimentaires. Il est parallèlement utilisé par les comptables nationaux pour décrire l'inflation et pour transformer des grandeurs macroéconomiques monétaires en grandeurs « réelles ».
Mais mesure-t-on les prix aujourd'hui comme il y a cinquante ans ? Quelles ont été les réformes qui se sont succédées pour donner forme à l'indice des prix contemporain ? Et quelles en sont les conséquences, sur le pouvoir d'achat et les représentations des richesses ?

Florence Jany-Catrice est professeur d'économie à l'université de Lille et chercheuse au Clersé (UMR8019). Elle travaille sur l'économie de la qualité, les enjeux de mesure et d'évaluation, l'économie des services et l'économie sociale et solidaire. Elle est l'auteur de nombreux ouvrages

Bernard Maitte est professeur émérite à l'université de Lille

08 octobre 2020, 1er étage du bâtiment de la Faculté des Sciences et Technologies, 17h00

Judith Hayem, Jusqu'où et pour quoi s'immerger ? Rôle de la subjectivité dans l'enquête anthropologique sur la politique.

Répondant: Bernard Maitte

Malinowski, père fondateur de la discipline anthropologique, ancre la spécificité de celle-ci dans l'enquête de terrain : c'est l'immersion au cœur des populations étudiées et pour une longue durée qui est réputée permettre la connaissance et la compréhension de l'Altérité. Dès ses débuts, cette pratique mobilise massivement la subjectivité du chercheur, et au-delà son existence même, transformée pour être au service de la connaissance. Si les premiers anthropologues livrent leurs résultats sans faire état de leur subjectivité – ou alors sous une forme séparée de leurs découvertes – peu à peu, le besoin d'intégrer et d'objectiver les apports et les écrans créés par la subjectivité du chercheur dans le processus de connaissance est devenu central. On examinera comment s'est peu à peu formulé ce besoin, nécessaire tant épistémologiquement, qu'éthiquement et politiquement. Quels en sont les effets heuristiques et quelles conséquences a-t-il sur la manière de concevoir l'observation participante et la participation observante ? Que se passe-t-il quand l'informateur devient interlocuteur du chercheur ? On s'arrêtera plus longuement sur ce que les objets politiques (mobilisations, grèves, occupations, manifestations, par exemple) font à cette question. Jusqu'où et pour quoi s'immerger quand on étudie des mobilisations politiques ? Que faire de sa subjectivité quand on est soi-même concerné par les luttes qu'on étudie ? Comment se joue alors la question, ancienne mais jamais réglée de manière définitive, du savant et du politique ?

Judith Hayem est Maître de conférences HDR en anthropologie. Elle a été responsable d'édition du Journal des Anthropologues de 2012 à 2017 et co-dirige actuellement L'Homme et la Société. Elle a publié, entre autres, La figure ouvrière en Afrique du Sud (2008) et a dirigé avec Etienne Bourel le dossier Subjectivations du(e)s/au travail (Journal des anthropologues, 2019)

Bernard Maitte est professeur émérite à l'université de Lille

17 décembre 2020, webinaire sur esprit-archimede.org, 17h00

Fabien Eloire, La quantification des faits sociaux en sociologie : entre objectivisme et subjectivisme, une opération herméneutique

Répondant: Sylvain Billiard

La quantification fait partie des méthodes à la disposition du sociologue pour étudier les phénomènes sociaux. Ce mode de connaissance du monde social trouve ses fondements dans l'histoire longue du développement de la statistique appliquée à la société. La volonté de quantifier les faits sociaux existe dès le milieu du XIXe siècle. Les travaux menés par Emile Durkheim sur « le suicide » en sont un exemple canonique. Si la quantification semble être un moyen efficace de montrer le social dans toute son objectivité, elle est cependant, paradoxalement, indissociable d'une autre opération, la qualification, faisant appel à la subjectivité des chercheurs eux-mêmes. En effet, toute opération de mesure suppose une construction, au préalable, des catégories qui sont à mesurer. L'utilisation du quantitatif ne règle donc pas entièrement la question épistémologique de la scientificité de la sociologie. En réfléchissant à l'articulation entre le quantitatif et le qualitatif, on entre ainsi dans ce qui fait la complexité de cette discipline, confrontée aux deux dimensions du social : ses régularités et ses singularités. Pour résoudre cette difficulté, le travail empirique du sociologue, qu'il soit qualitativiste ou quantitativiste, est indissociable d'un travail sur les concepts qui permettent d'interpréter la société, et font de la sociologie une science herméneutique.

Fabien Eloire est Maitre de conférences en sociologie à l'université de Lille, Faculté des sciences économiques et sociales, Laboratoire Clersé-CNRS UMR 8019

Sylvain Billiard est professeur à l'université de Lille, laboratoire de Génétique et Évolution des Populations Végétales

15 juin 2021, uniquement en streaming interactif sur esprit-archimede.org, 18h00

Bernard Maitte, Qualitatif et quantitatif dans l'histoire de l'électromagnétisme

Répondant: Daniel Hennequin

L'histoire de la naissance et du développement de l'électromagnétisme au XIXe siècle offre l'exemple d'une fécondation croisée de perspectives théoriques et pratiques faisant appel, ou non, à la quantification.
A la fin du XVIIIe, Coulomb, en France, étend les lois de Newton à l'électricité et parvient à montrer que la force exercée par une charge électrique varie inversement avec le carré de la distance. Dans un pays influencé par la Naturphilosophie et cherchant d'autres voies que celles empruntées par Newton pour expliquer la nature, Oersted remarque qu'un courant électrique dévie une boussole perpendiculairement aux corps en interaction, selon donc des forces qui ne peuvent être newtoniennes. Ses expériences surprennent Arago, qui les communique à l'Académie des sciences. Elles sont alors reprises, développées et quantifiées avec précision par Ampère. Faraday, qui n'entend rien aux mathématiques, augmente considérablement, par empirisme, les applications des influences mutuelles de l'électricité et du magnétisme, les explique qualitativement en faisant intervenir une influence qui se propage dans le milieu séparant les corps en interaction. Maxwell se saisit de cette idée, formule le concept de champ, parvient à le mathématiser, puis à déduire de cette mathématisation que la lumière est un champ électromagnétique.

Bernard Maitte est professeur émérite à l'université de Lille

Daniel Hennequin est physicien, chercheur au CNRS, au laboratoire PhLAM (Physique des Lasers, Atomes et Molécules) de l'Université de Lille. Il est président de la commission Culture Scientifique de la Société Française de Physique et président de la section Hauts-de-France de la Société Française de Physique