Infini(s)
Cycle de conférences-débats
Additionner une unité à un nombre, ajouter un temps à un temps, diviser un intervalle… jusque l’infini ? Paradoxes de Zénon d'Élée, de Galilée, hypothèse du continu, axiome du choix… L’infini n’est-il qu’un concept ? A-t-il un lien avec la réalité ? N’existe-t-il qu’en « puissance », est-il impossible « en acte », comme le pense Aristote ? N’est-il qu’en Dieu, non dans les créatures, comme l’enseigne la scolastique ? Ainsi, Giordano Bruno blasphème lorsqu’il affirme l’existence d’un espace et de mondes infinis à la mesure de Dieu, confondant Créateur et créatures in-finies : bûcher !
Pluralités d’infinis pour Spinoza, comparaison d’infinis par Cantor - deux infinis différents peuvent avoir la même taille, à l’inverse tous les infinis ne se valent pas. Les mathématique et physique contemporaines manient et discutent des infinis. C’est cette histoire, cette quête, ces recherches qu’évoquent ce cycle.
Programme
Les conférences se tiennent, selon les cas, à l'Espace Culture, au CERLA ou à LILLIAD. Les trois bâtiments se situent sur le site de la Cité Scientifique de l'université de Lille.
Si cette icône apparaît sur l'illustration, cliquez dessus pour visionner l'enregistrement de la conférence.
[Reporté] 25 mars 2025, Espace Culture, 18h30
Chantal Jaquet, L'infini chez Spinoza
Répondant: Charlotte Meurin
Paradoxalement, l'infini chez Spinoza n'est pas l'infini, car il n'a rien d'unique et d'univoque. Spinoza admet en effet une pluralité d'infinis, comme l'absolument infini, l'infini en son genre, l'illimité, l'indéfini… Certains infinis le sont en vertu de leur essence ou de leur définition, d'autres en vertu de leur cause ; ils ne sont pas tous de même nature et doivent faire l'objet de distinction.
L'équivocité du concept d'infini prête donc à confusion et donne lieu à des erreurs et des controverses. Spinoza est conscient de la difficulté et s'en explique dans la lettre XII à Louis Meyer datée du 20 avril 1663. A son correspondant qui le presse de faire part de ses réflexions à ce sujet, Spinoza explique les raisons pour lesquelles « le problème de l'infini a paru à tous très difficile et même inextricable » et va s'employer à clarifier le concept et à dissiper les erreurs.
Cette lettre XII, appelée aussi lettre sur l'infini par les commentateurs, constitue la clé de voûte de la pensée spinoziste sur la question. Il s'agira donc de prendre appui sur ce texte, en analysant la manière dont Spinoza distingue les types d'infini et entend résoudre les difficultés à ce sujet.
Chantal Jaquet est philosophe, professeure de philosophie moderne à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Charlotte Meurin est chargée de la politique culturelle et des animations, Service commun de la documentation, Université Polytechnique Hauts-de-France
22 avril 2025, Espace Culture, 18h30
Jean-Paul Delahaye, Controverse autour de l'infini mathématique : le multivers ensembliste
Répondant: Lydie Pélinski
Multitude de singes tapant à la machine, IA Dall-E
Les mathématiciens ne sont pas d'accord les uns avec les autres au sujet
de la nature de l'infini, et en particulier au sujet de l'infini du monde ensembliste.
La controverse a récemment été renouvelée à propos du multivers ensembliste.
Le but de la conférence sera de faire comprendre en langage aussi simple que possible
cette discussion qui est aujourd'hui au centre de la théorie de l'infini.
ATTENTION: conférence gratuite sur réservation.
Jean-Paul Delahaye est professeur émérite en informatique de l'Université de Lille
Lydie Pélinski est Professeure des Universités en chimie organique, minérale et industrielle, UCSS Université de Lille ; elle est Présidente de l'ALEA
29 avril 2025, Espace Culture, 18h30
Jenny Sorce, Les paradoxes de l'Univers infini
Répondant: Alain Vienne
L'Univers est infini : en témoigne sa taille démesurée, sa forme géométrique encore floue avec une courbure plutôt plate et son infinité d'étoiles brillantes qui nous permet d'observer d'éblouissantes ténèbres nocturnes.
Cette présentation introduira différentes notions, notamment d'Univers observable, de courbure et topologie de l'espace-temps, ainsi que d'expansion, afin de déconstruire les paradoxes susmentionnés. Puis, à défaut de clore le débat concernant l'infinitude de l'Univers, elle sera, quant à elle, finie pour laisser place aux discussions.
ATTENTION: conférence gratuite sur réservation.
Jenny Sorce est chargée de recherches CNRS au Laboratoire CRIStAL de l'Université de Lille
Alain Vienne est professeur à l'université de Lille, directeur de l’observatoire de Lille
20 mai 2025, Espace Culture, 18h30
Bernard Maitte, Lunettes, microscope, l'extension du regard au XVIIème
Répondant: Francis Meilliez
Galilée, Santa Croce Florence, photo B. Maitte
Lentilles de verre et lunette d'approche furent inventées par des artisans, les premières avant notre ère. Les clercs commencent à porter des bésicles à partir du XIVe, mais les estiment « indignes de philosophie ». Ayant entendu parler de lunettes, Galilée s'en fait apporter, perfectionne empiriquement le dispositif, montre qu'il n'est pas « fallacieux », le tourne vers le ciel, y voit les preuves de la validité du système de Copernic. Dès lors, Kepler peut s'affranchir de l'ostracisme qui frappe les lentilles, en publie la théorie, imagine dans sa « dioptrique » des outils (microscope, zoom etc.) dont certains ne peuvent alors être construits. L'élan est donné : van Leeuwenhoek observe des spermatozoïdes, Hooke des germes de cristaux et des cellules, Newton invente le télescope sur la base d'une erreur théorique : la course vers les infiniment grands et petits est lancée, étendant les limites du regard et l'affranchissant des limites de l'œil.
ATTENTION: conférence gratuite sur réservation.
Bernard Maitte est professeur émérite à l'Université de Lille
Francis Meilliez est professeur émérite, Université de Lille, directeur de la Société Géologique du Nord (SGN)
07 octobre 2025, Espace Culture, 18h30
Daniel Hennequin, Physique quantique : imaginaire et réalité - Du chat de Schrödinger aux technologies quantiques
Répondant: Bernard Maitte
La physique quantique a toujours eu un rapport ambigu à la réalité. Le monde quantique nous est inaccessible, et beaucoup de physiciens considèrent, tel Niels Bohr, qu'il n'est pas réel. D'autres, comme Albert Einstein, se refusent à remettre en question la notion de réalité physique. Dans tous les cas, nous ne pouvons que tenter d'imaginer le monde quantique, tenter d'imaginer ces propriétés contre-intuitives que sont la superposition d'états ou l'intrication.
Les auteurs des littératures de l'imaginaire aussi ont tenté d'imaginer le monde quantique, avec moins de contraintes, et au travers de leurs fictions, ils nourrissent aussi notre perception de ce monde en le transposant dans un environnement qui nous est plus proche, tel le football quantique de Greg Egan.
Aujourd'hui, notre compréhension de la physique quantique a largement évolué, la réalité a regagné un peu de terrain au travers de la théorie de la décohérence, et les aspects les plus étranges de la physique quantique ont engendré les technologies comme la cryptographie quantique ou les ordinateurs quantiques, bien réels !
Daniel Hennequin est chercheur au CNRS (laboratoire PHLAM), responsable de la commission Culture de la Société Française de Physique
Bernard Maitte est professeur émérite à l'Université de Lille
14 octobre 2025, Espace Culture, 18h30
Jean-Marc Lévy-Leblond, Le fallacieux dualisme de la théorie quantique
Répondant: Bernard Maitte
Voici environ un siècle s'élaborait la théorie quantique. Afin de caractériser le comportement contre-intuitif de ses objets (photons, électrons, etc.), les physiciens furent amenés à proposer la notion d'un « dualisme onde-corpuscule », selon lequel la nature même de ces objets serait duale. Mais cette idée n'a jamais été très claire, et reçoit plusieurs interprétations. Pour certains, le photon (pris ici comme exemple) serait à la fois onde et corpuscule, pour d'autres, il serait tantôt onde et tantôt corpuscule, pour d'autres encore, il serait constitué d'une onde et d'un corpuscule couplés. Aucune de ces interprétations pourtant ne correspond à la description formelle du photon au sein de la théorie quantique. Elles ne constituent que des constructions verbales de l'ordre du pis-aller. La survie de cette notion doit céder la place à une conception moniste autonome des objets quantiques, qui ne sont de fait, ni ondes, ni corpuscules.
Jean-Marc Lévy-Leblond est professeur émérite à l’Université de Nice-Côte d’Azur. Essayiste
Bernard Maitte est professeur émérite à l'Université de Lille
Archives
04 février 2025, Espace Culture, 18h30
Jean-François Colonna, S'il vous plait... dessine-moi l'infini
Répondant: Jean-Paul Delahaye
Variété de Calabi-Yau - Ecole Polytechnique
Grâce aux travaux de Georg Cantor, l'univers vertigineux des infinis s'est ouvert aux mathématiciens. Mais est-il pour autant accessible, voire visualisable et si les Mathématiques sont bien LE langage de la Nature correspond-il à tout ou partie de la Réalité ?
Un voyage de l'échelle de Planck à l'hypothétique Multivers, suivi d'une présentation de la Géométrie Fractale nous offriront des éléments de réponses tout en images à ces interrogations.
ATTENTION: conférence gratuite sur réservation.
Jean-François Colonna est chercheur au centre de mathématiques appliquées (CMAP) de l’École Polytechnique
Jean-Paul Delahaye est professeur émérite en informatique de l'Université de Lille
11 février 2025, Espace Culture, 18h30
Alain Aspect, A l'échelle des photons, l'intrication quantique
Répondant: Bernard Maitte
¡ COMPLET ! La physique classique distingue deux objets : les particules, discrets en nombre et en position, et les ondes, continues sous ces deux termes. Au début du XXe siècle, les physiciens mettent en évidence que les photons et les électrons se comportent parfois comme des ondes, parfois comme des particules. Deux théories permettent alors de rendre compte de ces propriétés : la mécanique ondulatoire (Einstein, Schrödinger) et la mécanique quantique (Bohr, Heisenberg). Si leurs développements mathématiques, initialement différents, purent être unifiés, leurs bases épistémologiques diffèrent : la mécanique quantique est une interprétation qui fixe son domaine de validité par un principe d'incertitude probabiliste, la mécanique ondulatoire refuse cette position, adopte un point de vue réaliste, conjecture qu'il existe une réalité matérielle encore inaccessible. En 1935, Einstein, Podolsky et Rosen croient pouvoir réfuter l'interprétation probabiliste au moyen d'une expérience de pensée « le paradoxe EPR ». En 1964, Bell fournit un test numérique, des inégalités, permettant de choisir entre les deux positions. En 1983, en faisant interagir deux photons, nous avons pu, par la mesure, invalider la vision réaliste locale. Deux photons ayant interagi se comportent comme un système quantique unique : c'est l'intrication. Au dualisme de la physique classique succède le monisme quantique : il décrit de manière identique matière et lumière. ¡ COMPLET !
Alain Aspect est professeur à l'Institut d'Optique / Université Paris-Saclay, Prix Nobel de physique 2022
Bernard Maitte est professeur émérite à l'Université de Lille