LEA: la revue L'Esprit d'Archimède
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LEA #12 (juillet-décembre 2024)
Rubriques - Repenser la politique
Coups bas en série contre la démocratie
Alain Cambier
Chercheur associé à l’UMR 8163 « Savoirs, textes, langage » (STL) de l’Université de Lille.
La séquence politique que les Français viennent de vivre depuis le 9 juin 2024 restera dans toutes les mémoires, mais la façon dont elle a été vécue apparaît pour le moins contrastée. D’un côté, les citoyens ont dû se mobiliser de manière intensive pendant trois semaines pour s’exprimer trois fois, coup sur coup, électoralement : aux européennes, puis aux deux tours des législatives. Pour ce faire, ils n’ont parfois pas hésité à différer leurs départs en vacances ou s’évertuer à formaliser à tout prix des procurations de vote. Ainsi, cet investissement politique hyperactif s’est concrétisé, après une campagne éclair, par une participation massive de près de 70 %, au deuxième tour des législatives : du jamais vu depuis les années 1990 ! Il faut dire que les Français se sont sentis très concernés par les risques menaçant d’un seul coup la démocratie… Or, la période suivante se révéla à l’inverse politiquement atone, se traînant en longueur. Réduits à la passivité dans l’attente de la nomination d’un premier ministre et d’un nouveau gouvernement, ces mêmes Français ont alors trouvé un dérivatif dans les Jeux Olympiques. Pour masquer sa vacuité, le pouvoir politique en pleine crise y trouvait un palliatif peu original : « panem et circenses ». Ainsi, il a fallu plus de soixante jours pour la nomination déroutante d’un premier ministre paradoxalement issu d’une famille parlementaire elle-même en crise et très minoritaire… Mais quelle ne fut pas la surprise de voir ensuite le profil politique de l’ensemble des membres du nouveau gouvernement constitué : un véritable coup de Jarnac ! L’intense mobilisation électorale qui s’était effectuée entre le 9 juin et le 7 juillet 2024 semblait alors n’avoir été qu’un coup d’épée dans l’eau… Du « coup de tête » de la dissolution au soir des élections européennes au « coup de dés » de la nomination du premier ministre, l’impression fâcheuse qui en résulte est finalement celle d’une confiscation démocratique.